La place et le rôle de l’élu local
Les élus locaux disposent d'un quasi-statut qui a émergé en 1992 mais s'est étoffé au cours de ces dernières années . Il est constitué d'un ensemble, épars mais consistant, d'attributions, de droits et de devoirs qui confortent leur place et leur rôle dans la démocratie locale. Les moyens nécessaires pour accomplir correctement leurs mandats ne sont toutefois pas encore totalement complets, selon le point de vue manifesté par certains des représentants des intéressés.
I. L'émergence d'un statut des élus locaux
Pour exercer leur mandat, le législateur a donné aux élus locaux des attributions et leur assure un certain nombre de garanties et de droits qui forment un quasi-statut de l'élu dont le contenu s'est étoffé au cours des quatre dernières années et caractérisé par les composantes suivantes :
Le droit à la formation, accordé aux élus locaux par la loi n° 92-108 du 3 février 1992, a connu des avancées significatives. Pour consolider ce droit, sur la base de propositions parlementaires , des évolutions législatives et réglementaires sont intervenues récemment . Désormais, le dispositif de formation des élus locaux s'organise comme suit :
les élus locaux disposent d'un droit individuel à la formation : les membres des assemblées territoriales bénéficient chaque année de vingt heures de formation, cumulables sur toute la durée du mandat et financées par une cotisation obligatoire, dont le taux ne peut être inférieur à 1 %, assise sur leurs indemnités et collectée par la Caisse des dépôts et consignations (CDC). La mise en œuvre de ce droit individuel à la formation relève de l'initiative de chacun des élus et peut concerner des formations sans lien avec l'exercice du mandat. Ces formations peuvent notamment contribuer à l'acquisition des compétences nécessaires à la réinsertion professionnelle à l'issue du mandat ;
Toutes ces dispositions statutaires concernant les élus locaux sont éparses. Certains appellent de leurs vœux leur regroupement dans une partie du code général des collectivités territoriales (CGCT), sous une forme claire et intelligible .
2. La déontologie propre aux élus locaux
Il est désormais possible d’affirmer que la fonction élective locale repose sur des principes déontologiques pouvant, comme pour les fonctionnaires, être classés en deux catégories de devoirs et de droits qui s’équilibrent mutuellement.
Les normes de comportement que les élus doivent adopter dans l’exercice de leurs fonctions et que les citoyens sont en droit d’attendre de la part de leurs représentants sont désormais formalisées par le Parlement sous la forme d’une charte de l’élu local . Ce document consacre des principes déontologiques (obligations d’impartialité, de diligence, de dignité, de probité et d'intégrité) mais aussi prescrit des règles de comportement, notamment dans certaines situations de conflits d’intérêts.
D'autres obligations, qui ne figurent pas dans cette charte, pèsent sur les élus locaux et revêtent un caractère déontologique :
L’obligation légale de souscription d’une déclaration d’intérêts et d’activités et celle concernant le patrimoine sont désormais applicables aux élus locaux tout comme aux responsables publics et parlementaires depuis la loi du 11 octobre 2013.
Signalons qu'il est prévisible que d’autres dispositions - tirées d'un rapport datant de 2012 de la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique - concerneront, un jour ou l’autre, l’ensemble des exécutifs des collectivités d’une certaine taille :
II. Les principales questions relatives à la contribution et aux moyens accordés aux élus locaux
1. La contribution des élus locaux à la démocratie locale
Les élus locaux ont une place essentielle dans la démocratie locale : leur engagement dans l'espace public local constitue une particularité française et un atout ; leur représentativité se renouvelle profondément. Quelques données illustrent ces remarques :
a) L'engagement des élus locaux dans l'espace public territorial constitue une particularité française et un atout
L’une des caractéristiques du modèle français réside dans le nombre de communes et le total des élus locaux : 521 661 conseillers municipaux, 80 409 conseillers communautaires, 4 108 conseillers départementaux et 1 910 conseillers régionaux, soit un total de 608 088 mandats d'élus locaux.
Aujourd'hui, 204 000 élus locaux perçoivent une indemnité de fonction, soit seulement quatre élus sur dix . L'indemnité moyenne est de 8 000 € par an. Leur coût total avoisinerait 1,6 milliard €.
En supposant qu'un élu accorde, en moyenne, 5 heures par semaine à l'exercice de son mandat (en distinguant le temps consacré à la collectivité de celui de militantisme au service de son parti), cet investissement humain consacré à l'espace public local peut être valorisé comme étant équivalent à l'activité d'environ 86 800 temps plein d'agents public locaux, soit l'équivalent d'environ 3,2 milliards € (à comparer à la masse salariale totale des collectivités territoriales et groupements à fiscalité propre : 59 milliards en 2014).
Sur les 521 661 conseillers municipaux élus en France, 214 198 relèvent de communes de moins de 1 000 habitants, ce qui correspond à 30 600 temps plein consacrés à leurs territoires, en procédant au même calcul de valorisation que celui opéré précédemment. Cet investissement humain doit être comparé aux 74 000 fonctionnaires territoriaux dans les collectivités de cette strate démographique.
Ces estimations mettent en évidence deux particularités du modèle français :
b) L'égal accès aux fonctions électives et le renouvellement de la représentation politique
Après les élections locales de 2014 et 2015, des progrès remarquables ont été accomplis en matière de féminisation des élus locaux du fait des réformes des modes de scrutin.
Les mesures prises pour les élections de chacune des catégories de collectivités se traduisent respectivement par des taux de 47,8 % d'élues pour les conseils régionaux, 50% pour les conseils départementaux, 48,1% pour les conseils municipaux et 33,3% pour les conseils communautaires.
Le principe de parité progresse également pour les fonctions de vice-présidents et d'adjoints aux maires. En revanche, la situation reste encore insatisfaisante pour les fonctions d'exécutifs (présidents ou maires) même si une progression est observée par rapport à celle antérieure : 18% pour les régions ; 8% pour les départements ; 16% pour les communes.
Cette évolution ne contribue pas seulement à garantir la parité mais aussi renouvelle la représentation politique, ce qui est bénéfique.
2. Les principales pistes de réformes en suspens
Si des avancées ont été accomplies lors de l'actuelle mandature législative pour améliorer les conditions d'exercice de la fonction d'élu local, des pistes de réforme paraissent devoir encore être envisagées, selon certains analystes . Les mesures en suspens peuvent être regroupées autour de trois thématiques :
a) L'égal accès aux fonctions électives et le renouvellement de la représentation politique
Les propositions de mesures, non encore adoptées par le législateur, tendant à garantir l'égal accès aux fonctions électives et le renouvellement de la représentation politique, sont les suivantes :
b) Les moyens accordés aux élus pour accomplir leurs mandats
Les propositions de mesures, non encore adoptées par le législateur, portant sur les moyens accordés aux élus pour accomplir leurs mandats, sont les suivantes :
Notons aussi que le rapport d'un groupe de travail de l'Assemblée nationale sur l'avenir des institutions, publié en 2015 , souligne d’importantes difficultés de reconversion une fois leur mandat achevé, de manière prématurée ou non. Deux objectifs sont recherchés : ouvrir plus largement les mandats électifs aux salariés du secteur privé et éviter une trop grande professionnalisation de la classe politique en favorisant une meilleure reconversion des élus. Il s’est prononcé pour la création d’un statut de personnel protégé. La loi du 31 mars 2015 visant à faciliter l'exercice, par les élus locaux, de leur mandat, issue des travaux de la mission d’information sur le statut de l’élu, a, de ce point de vue, constitué un progrès important en ce sens en développant notamment le droit individuel à la formation ainsi que les dispositifs de validation des acquis de l’expérience pour les élus locaux.
c) Les droits et devoirs dans l'exercice de leurs responsabilités
Les propositions de mesures, non encore adoptées par le législateur, portant sur les droits et devoirs des élus locaux dans l'exercice de leurs responsabilités, sont les suivantes :
1 Loi n° 92-108 du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux
2 Notamment, la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement pour la sécurité sociale pour 2013 ; loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique ; loi n° 2015-366 du 31 mars 2015 visant à faciliter l'exercice, par les élus locaux, de leur mandat; loi n° 2016-341 du 23 mars 2016 visant à permettre l'application aux élus locaux des dispositions relatives au droit individuel à la formation et relative aux conditions d'exercice des mandats des membres des syndicats de communes et de syndicats mixtes
3 Rapport d'information sur "la formation des responsables locaux : un enjeu pour nos territoires", réalisé par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, Antoine Lefèvre, 2012
4 Loi n° 2015-366 du 31 mars 2015 ; décret n° 2016-871 du 29 juin 2016 relatif à la cotisation des élus locaux bénéficiant d'indemnité de fonctions pour le financement du droit individuel à la formation des titulaires de mandats locaux
5 "Rapport de la mission d’information sur le statut de l’élu", 19 juin 2013
6 Cf. la loi n° 2015-366 du 31 mars 2015 visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat
7 « Pour un renouveau démocratique », 2012
8 Donnée de 2014, IRCANTEC
9 Abaissement du seuil de l'obligation stricte femmes/hommes dans la présentation des listes électorales qui s'applique aux communes de 1 000 habitants et plus (au lieu de 3 500 habitants et plus) depuis les élections de 2014 ; réforme du mode de scrutin des départements avec obligation de présentation de binômes (femme et homme) sur les listes électorales
10 Philippe Doucet et Philippe Gosselin, 2013
11 Refaire la démocratie, rapport présenté par Claude Bartolone et Michel Winock, 2015